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ÉLÉGIES

ÉLÉGIE PREMIÈRE.


Abel, doux confident de mes jeunes mystères,
Vois ; Mai nous a rendu nos courses solitaires.
Viens à l’ombre écouter mes nouvelles amours ;
Viens. Tout aime au printemps et moi j’aime toujours.
Tant que du sombre hiver dura le froid empire,
Tu sais si l’aquilon s’unit avec ma lyre.
Ma muse aux durs glaçons ne livre point ses pas ;
Délicate, elle tremble à l’aspect des frimats,
Et, près d’un pur foyer, cachée en sa retraite,
Entend les vents mugir et sa voix est muette..
Mais sitôt que Procné ramène les oiseaux,
Dès qu’au riant murmure et des bois et des eaux,
Les champs ont revêtu leur robe d’hyménée,
À ses caprices vains, sans crainte abandonnée
Elle renaît ; sa voix a retrouvé des sons ;
Et comme la cigale, amante des buissons,
De rameaux en rameaux, tour à tour reposée,