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souvenirs, de ses émotions, de ses peines, de ses pensées, de sa vie.

Ce que lui-même n’aurait su dire avec des mots, le violon savait le traduire, le violon le chantait. Et, même, cet ami réussit à émouvoir dans son être des fibres si ténues, que lui, timide, et qui n’eût à quiconque osé s’ouvrir de ses douleurs ou de ses joies, peu à peu se prit à craindre que cette voix ne trahît ses secrets en des oreilles indiscrètes. Plusieurs fois, en effet, il lui avait semblé surprendre des chuchotements derrière la porte… la chambre de sa femme n’était plus assez éloignée de la sienne !

Il prit donc un parti : ce fut d’attendre jusqu’à neuf heures que fussent couchés les gens de la maison ; puis, à pas de loup, il se glissait vers le fond du vestibule, du côté des chambres abandonnées ; et là, bien seul, bien renfermé, dans les ténèbres ou à la lueur d’un bout de chandelle, il se livrait sur son violon pendant toute une partie de la nuit.

Depuis trente ans, il s’en allait là-bas, avec les araignées, avec les souris, et même les chats-