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mourir !… Les arbres morts restent debout !… Il semble même qu’ils continuent à se sentir des arbres !… Mais ne plus voir, ne plus entendre !… enfin !… J’ai bien encore, je suppose, vingt ans à vivre !… Ai-je bien encore vingt ans à vivre ? »

Il montait par un chemin creux, pierreux, fauve comme les loups, bordé de ces arbres de coupe dont les puissantes racines ongulaires font corps avec le talus. Il marchait tout doucement en faisant sonner ses semelles sur les escaliers de roc. Les longs et souples genêts, aux gousses noires, le frôlaient, et lui-même frôlait les souches, creuses, éventrées, que la nuit habite, frôlait les troncs déchaussés, pleins de suies humides et de déchiquetures poreuses. Autour de lui se multipliaient les gibbosités en profil de sanglier, les exostoses en contours de bêtes étranges, les rondeurs en silhouettes d’épaules humaines.

Une belette traversa le chemin ; Lirot fit un bond.

« Hé ! Lirot, tu n’as droit qu’aux champignons, tu oublies ! »