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coup, sa vie, à lui, lui apparaissait inutile, stérile, méchante… il aurait dû l’employer à autre chose, du moins, qu’à faire pleurer ! Ses mains étaient vides, son cœur était vide. Oui ! il comprenait maintenant pourquoi son père l’avait emmené sur les collines. Il se représentait sa pauvre figure désolée quand il lui avait dit : « Je ne peux pas m’exprimer, mais tu sens bien, n’est-ce pas ?… tu sens bien ? »

Ah ! ce violon le lui faisait sentir ! Tout s’animait maintenant, comme sous les grands soleils, après l’hiver.

Et tout à coup il tressaillit, releva la tête : son père s’était mis à chanter…

Il chantait en accompagnant son violon : « Ah… ah… ah… » sans paroles, d’une pauvre vieille voix brisée.

À cette voix usée, chevrotante, le cœur d’Anthime se fondit. Elle le reportait à la Croix Verte, il revoyait son père lui montrant le pays et les grandes collines. Il entendait le violon, la voix, et tout cela, lui semblait-il, disait : « Anthime, tu ne sais pas ce que c’est que vieillir, tu