Page:Châteaubriant, Alphonse de - Monsieur des Lourdines, 1912.djvu/294

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enflammé, ce front que la passion mouillait de sueur, ces effluves de vie ardente et d’âpre enthousiasme ? Personne, assurément, ne l’avait jamais vu dans cet état ; il fallait qu’il se crût bien seul : toute sa personne épousait le train de l’archet ; avec amour, il couchait sa joue sur l’instrument, se voûtait comme pour le couvrir de son corps, puis se redressait avec lenteur, l’expression transfigurée, les yeux rayonnants. Parfois, il abaissait son regard sur son violon, pieusement, comme sur un objet sacré, et élevait vers la voûte des yeux remplis de larmes… Que voyaient-ils donc, ces yeux ? Anthime ne pouvait s’en détacher ! C’étaient là des yeux transportés hors du monde, et comme, seuls, peuvent en avoir les saints.

Et, tout à coup, ce fut un trait de lumière : comment, par quelle aberration, ne s’en était-il pas douté ? Mais cela, maintenant, lui sautait aux yeux !… Tout révélait à quelle source il puisait cette musique : la douleur, l’amour, la prière si intensément peints sur son visage, l’inexprimable accord de chacune de ces expressions