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Anthime, abasourdi, regardait cette face congestionnée, ces yeux qui brillaient, ce bras qui allait et venait, ce violon très rouge dans la lumière ! Cette scène le déconcertait !… elle était sans lien avec l’ordre régulier des choses !… Cependant, n’avait-il pas, dans son enfance, entendu dire que son père, autrefois, avait joué du violon ?… son père ?… il ne le reconnaissait presque pas ! Ce n’était plus le même homme, plus le même visage ! Un bonheur étrange flambait dans ses yeux ! Et ces yeux-là le fascinaient, il aurait voulu s’approcher. Peu à peu, aussi, cette musique lui allait au cœur, l’apaisait, douce, plaintive, surtout quand les sons descendaient, descendaient… On ne les entendait plus, on les entendait encore ! Ce chant s’insinuait dans sa chair, lui donnait, chose déconcertante, l’impression du déjà entendu, du déjà vécu ! Un moment, le chant s’éleva aigu, palpitant, se tint sur la même note haute ; on eût dit vraiment un cri sorti d’une poitrine ! Il ressentit dans tout son corps une commotion : c’était presque la voix de Nelly ! et voilà qu’il