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CHAPITRE IX.

Où l’on raconte ce que l’on y verra.



Il était tout juste minuit[1], ou à peu près, quand Don Quichotte et Sancho quittèrent leur petit bois, et entrèrent dans le Toboso. Le village était enseveli dans le repos et le silence, car tous les habitants dormaient comme des souches. La nuit se trouvait être à demi claire, et Sancho aurait bien voulu qu’elle fût tout à fait noire, pour trouver dans son obscurité une excuse à ses sottises. On n’entendait dans tout le pays que des aboiements de chiens qui assourdissaient Don Quichotte et troublaient le cœur de Sancho. De temps en temps, un âne se mettait à braire, des cochons à grogner, des chats à miauler, et tous les bruits de ces voix différentes s’augmentaient par le silence de la nuit. L’amoureux chevalier les prit à mauvais augure. Cependant, il dit à Sancho : « Conduis-nous au palais de Dulcinée, mon fils Sancho, peut-être la trouverons-nous en-

  1. Media noche era por filo, etc.

    C’est le premier vers d’un vieux romance, celui du comte Claros de Montalvan, qui se trouve dans la collection d’Anvers.