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« Laisse-les passer, ami ; cet affront est la peine de mon péché ; et il est juste que le ciel châtie le chevalier errant vaincu en le faisant manger par les renards, piquer par les guêpes, et fouler aux pieds par les cochons. — Est-ce que c’est aussi un châtiment du ciel, répondit Sancho, que les écuyers des chevaliers vaincus soient piqués des mosquites, dévorés des poux, et tourmentés de la faim ? Si nous autres écuyers nous étions fils des chevaliers que nous servons, ou leurs très-proches parents, il ne serait pas étonnant que la peine de leur faute nous atteignît jusqu’à la quatrième génération. Mais qu’ont à démêler les Panza avec les Quichotte ? Allons ! remettons-nous sur le flanc, et dormons le peu qui reste de la nuit. Dieu fera lever le soleil, et nous nous en trouverons bien. — Dors, Sancho, répondit Don Quichotte, dors, toi qui es né pour dormir ; moi, qui suis né pour veiller, d’ici au jour je lâcherai la bride à mes pensées, et je les exhalerai dans un petit madrigal, qu’hier au soir, sans que tu t’en doutasses, j’ai composé par cœur. — Il me semble, répondit Sancho, que les pensées qui laissent faire des couplets ne sont pas bien cuisantes. Que