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sur son lit, et s’évanouit aussitôt de la peur, des alarmes et des souffrances qu’il avait endurées.

Déjà les mystificateurs commençaient à regretter d’avoir poussé le jeu si loin ; mais Sancho, en revenant à lui, calma la peine que leur avait donnée sa pamoison. Il demanda l’heure qu’il était ; on lui répondit que le jour commençait à poindre. Il se tut ; et, sans dire un mot de plus, il commença à s’habiller, toujours gardant le silence. Les assistants le regardaient faire, attendant où aboutirait cet empressement qu’il mettait à s’habiller. Il acheva enfin de se vêtir ; et peu à peu (car il était trop moulu pour aller beaucoup à beaucoup), il gagna l’écurie, où le suivirent tous ceux qui se trouvaient là. Il s’approcha du grison, le prit dans ses bras, lui donna un baiser de paix sur le front, et lui dit, les yeux mouillés de larmes : « Venez ici, mon compagnon, mon ami, vous qui m’aidez à supporter mes travaux et mes misères. Quand je vivais avec vous en bonne intelligence, quand je n’avais d’autres soucis que ceux de raccommoder vos harnais, et de donner de la subsistance à votre gentil petit corps, heureux étaient mes heures, mes jours et mes années. Mais, depuis que je vous ai