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entre ses dents : « Oh ! si le Seigneur voulait donc permettre qu’on achevât de prendre cette île, et que je me visse ou mort ou délivré de cette grande angoisse ! » Le ciel accueillit sa prière ; et, quand il l’espérait le moins, il entendit des voix qui criaient : « Victoire, victoire ! les ennemis battent en retraite. Allons, seigneur gouverneur, levez-vous ; venez jouir du triomphe et répartir les dépouilles conquises sur l’ennemi par la valeur de cet invincible bras. — Qu’on me lève, dit d’une voix défaillante le dolent Sancho.  » On l’aida à se relever, et, dès qu’il fut debout, il dit : « L’ennemi que j’ai vaincu, je consens qu’on me le cloue sur le front. Je ne veux pas répartir des dépouilles d’ennemis, mais seulement prier et supplier quelque ami, si par hasard il m’en reste, de me donner un doigt de vin, car je suis desséché, et de m’essuyer cette sueur, car je fonds en eau. » On l’essuya, on lui apporta du vin, on détacha les pavois ; il s’assit