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très-posément ; et toutes quatre, faisant ensemble une grande et profonde révérence, allaient se retirer ; mais le duc, pour que Don Quichotte n’aperçût point qu’on lui jouait pièce, appela la demoiselle au bassin : « Venez, lui dit-il, et lavez-moi ; mais prenez garde que l’eau ne vous manque point. » La jeune fille, aussi avisée que diligente, s’empressa de mettre le bassin au duc comme à Don Quichotte, et toutes quatre s’étant hâtées de le bien laver, savonner, essuyer et sécher, elles firent leurs révérences et s’en allèrent. On sut ensuite que le duc avait juré que, si elles ne l’eussent pas échaudé comme Don Quichotte, il aurait châtié leur effronterie, qu’elles corrigèrent, du reste, fort discrètement, en le savonnant lui-même[1].

Sancho était resté très-attentif aux cérémonies de ce savonnage : « Sainte Vierge ! se dit-il à lui-même, est-ce que ce serait aussi l’usage en ce pays

  1. On peut voir, dans la Miscelanea de Don Luis Zapata, le récit d’une plaisanterie à peu près semblable, faite à un gentilhomme portugais chez le comte de Benavente. Peut-être Cervantès a-t-il pris là l’idée de la plaisanterie faite à don Quichotte.