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s’écriait la gouvernante ; retournez chez vous, frère, car c’est vous et nul autre qui embauchez et pervertissez mon seigneur, et qui l’emmenez promener par ces déserts. — Gouvernante de Satan, répondit Sancho, l’embauché, le perverti et l’emmené par ces déserts, c’est moi, et non pas ton maître. Lui m’a emmené à travers le monde, et vous vous trompez de la moitié du juste prix. Lui, dis-je, m’a tiré de ma maison par des tricheries, en me promettant une île que j’attends encore à présent[1]. — Que de mauvaises îles t’étouffent, Sancho maudit, reprit la

  1. Le mot insula, que Don Quichotte emprunte aux romans de chevalerie, était, dès le temps de Cervantès, du vieux langage. Une île s’appelait, alors comme aujourd’hui, isla. Il n’est donc pas étonnant que la nièce et la gouvernante n’entendent pas ce mot. Sancho lui-même n’en a pas une idée très nette. Ainsi la plaisanterie que fait Cervantès, un peu forcée en français, est parfaitement naturelle en espagnol.