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proches. — Personne ne pourra mieux le dire que mon singe, dit maître Pierre. Mais il n’y a point de diable qui pourrait maintenant le rattraper. J’imagine pourtant que sa tendresse et la faim le forceront bien à me chercher cette nuit. Dieu ramènera le jour, et nous nous verrons. »

Finalement, la tempête passa, et tous soupèrent en paix et en bonne harmonie aux dépens de Don Quichotte, qui était libéral au dernier point. L’homme aux lances et aux hallebardes s’en fut avant l’aube ; et, quand le jour fut levé, le cousin et le page vinrent prendre congé de Don Quichotte, l’un pour retourner à son pays, l’autre pour suivre son chemin ; à celui-ci Don Quichotte donna, pour frais de route, une douzaine de réaux. Quant à maître Pierre, il ne voulut plus rien avoir à démêler avec Don Quichotte, qu’il connaissait parfaitement. Il se leva donc avant le soleil, ramassa les débris de son théâtre, reprit son singe, et s’en alla chercher aussi ses aventures. L’hôtelier, qui ne connaissait point Don Quichotte, n’était pas moins surpris de ses folies que de sa libéralité. Finalement, Sancho le paya largement par ordre de son seigneur, et tous deux, prenant congé de lui, vers les huit heures du matin, sortirent de l’hôtellerie, et se mirent en route, où nous les laisserons aller, car cela est nécessaire pour trouver le temps de conter d’autres choses relatives à l’intelligence de cette fameuse histoire.