Page:Cervantes - L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, traduction Viardot, 1837, tome 2.djvu/265

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ermitage où fait sa demeure un ermite, qui, dit-on, a été soldat, et qui a la réputation d’être bon chrétien, homme de sens et fort charitable. Tout près de l’ermitage est une petite maison qu’il a bâtie lui-même ; bien qu’étroite, elle peut recevoir des hôtes. — Est-ce que par hasard cet ermite a des poules ? demanda Sancho. — Peu d’ermites en manquent, répondit Don Quichotte, car ceux d’aujourd’hui ne ressemblent pas à ceux des déserts d’Égypte, qui s’habillaient de feuilles de palmier, et vivaient des racines de la terre. Mais n’allez pas entendre que, parce que je parle bien des uns, je parle mal des autres ; je veux seulement dire que les pénitences d’aujourd’hui n’ont plus la rigueur et l’austérité de celles d’autrefois ; mais tous les ermites n’en sont pas moins vertueux. Du moins c’est ainsi que je les juge, et, lorsque tout va de travers, l’hypocrite qui feint la vertu fait moins mal que le pécheur public. »

Ils en étaient là quand ils virent venir à eux un homme à pied qui marchait en toute hâte, et chassait devant lui à grands coups de gaule un mulet chargé de lances et de hallebardes. En arrivant près d’eux il les salua et passa outre. « Brave homme, lui dit Don Quichotte, arrêtez-