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Voici les premières paroles écrites en tête du parchemin qui se trouva dans la caisse de plomb[1] :


LES ACADÉMICIENS D’ARGAMASILLA[2], BOURG DE LA

MANCHE, SUR LA VIE ET LA MORT DU VALEUREUX
DON QUICHOTTE DE LA MANCHE,

HOC SCRIPSERUNT.

LE MONICONGO[3], ACADÉMICIEN D’ARGAMASILLA,
SUR LA SÉPULTURE DE DON QUICHOTTE.

ÉPITAPHE

« Le cerveau brûlé qui para la Manche de plus de dépouilles que Jason de Crète ; le jugement qui eut la girouette pointue, quand elle aurait mieux fait d’être plate ;

» Le bras qui étendit sa force tellement au loin qu’il atteignit du Catay à Gaëte ; la muse la plus effroyable et la plus discrète qui grava jamais des vers sur une table d’airain ;

» Celui qui laissa les Amadis à l’arrière-garde, et se soucia fort peu des Galaors, appuyé sur les étriers de l’amour et de la valeur ;

» Celui qui fit taire tous les Bélianis, qui, sur Rossinante, erra à l’aventure, celui-là gît sous cette froide pierre. »

  1. Je demande pardon pour la traduction des sonnets et des épitaphes qui suivent. Que pouvait-on faire d’une poésie ridicule à dessein ?
  2. Au temps de Cervantès, on commençait à peine à instituer des académies dans les plus grandes villes d’Espagne, Madrid, Séville, Valence. En placer une à Argamasilla, c’était une autre moquerie contre ce pauvre village dont il ne voulait pas se rappeler le nom. Cervantès donne aux académiciens d’Argamasilla des surnoms ou sobriquets, comme c’était l’usage dans les académies italiennes.
  3. Issu du Congo.