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former de ce que deviendrait Don Quichotte, affirmant que rien ne lui ferait plus de plaisir que de le savoir. Il s’engagea, de son côté, à le tenir au courant de tout ce qu’il croirait lui devoir être agréable, tant de son mariage que du baptême de Zoraïde, de l’aventure de Don Luis et du retour de Luscinde chez ses parents. Le curé s’offrit à faire tout ce qui lui était demandé, avec une ponctuelle exactitude. Ils s’embrassèrent de nouveau, et de nouveau échangèrent des offres et des promesses de service.

L’hôte s’approcha du curé, et lui remit quelques papiers qu’il avait, disait-il, trouvés dans la doublure de la malle où s’était rencontrée la nouvelle du Curieux malavisé. « Leur maître, ajouta-t-il, n’ayant plus reparu, vous pouvez les emporter tous ; puisque je ne sais pas lire, ils ne me servent à rien. » Le curé le remercia, et, les ayant aussitôt déroulés, il vit qu’en tête se trouvait écrit le titre suivant : Nouvelle de Rinconete et Cortadillo, d’où il comprit que ce devrait être quelque nouvelle ; et, comme celle du Curieux malavisé lui avait semblé bonne, il imagina que celle-ci ne le serait pas moins, car il se pouvait qu’elle fût du même auteur[1]. Il la conserva donc dans le dessein de la lire dès qu’il en aurait l’occasion.

Montant à cheval, ainsi que son ami le barbier, tous deux avec leur masque sur la figure pour n’être point immédiatement reconnus de Don Quichotte, ils se mirent en route à la suite du char à bœufs, dans l’ordre suivant : au premier rang marchait la charrette conduite par le charretier ; de chaque côté, comme on l’a dit, les archers avec leurs arquebuses ; Sancho suivait, monté sur son âne, et tirant Rossinante par la bride ;

  1. Elle est, en effet, de Cervantès, et fut publiée pour la première fois dans le recueil de ses Nouvelles exemplaires, en 1613. C’est la meilleure, non-seulement de