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de la barque les provisions qu’elle contenait, et l’ayant tirée sur le rivage, nous gravîmes une grande partie du flanc de la montagne ; car, même arrivés là, nous ne pouvions calmer l’agitation de nos cœurs, ni nous persuader que cette terre qui nous portait était bien une terre de chrétiens.

» Le jour parut plus tard que nous ne l’eussions désiré, et nous achevâmes de gagner le sommet de la montagne pour voir si de là on découvrirait un village ou des cabanes de bergers. Mais, quelque loin que nous étendissions la vue, nous n’aperçûmes ni habitation, ni sentier, ni être vivant. Toutefois nous résolûmes de pénétrer plus avant dans le pays, certains de rencontrer bientôt quelqu’un qui nous fît connaître où nous étions. Ce qui me tourmentait le plus, c’était de voir Zoraïde marcher à pied sur cet âpre terrain ; je la pris bien un moment sur mes épaules, mais ma fatigue la fatiguait plus que son repos ne la reposait ; aussi ne voulut-elle plus me laisser prendre cette peine, et elle cheminait, en me donnant la main, avec patience et gaieté. Nous avions fait à peine un quart de lieue, que le bruit d’une clochette frappa nos