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« Quand j’étais enfant, mon père avait une esclave[1] qui m’apprit dans ma langue l’azala[2] chrétienne, et qui me dit bien des choses de Lella Maryem ; la chrétienne mourut, et je sais qu’elle n’est point allée au feu, mais auprès d’Allah, car depuis je l’ai vue deux fois, et elle m’a dit d’aller en pays de chrétiens pour voir Lella Maryem, qui m’aime beaucoup. Je ne sais comment y aller. J’ai vu bien des chrétiens par cette fenêtre, mais aucun ne m’a paru gentilhomme, si ce n’est toi. Je suis belle et jeune, et j’ai beaucoup d’argent à emporter avec moi. Vois si tu peux faire en sorte que nous nous en allions ; là tu seras mon mari, si tu veux l’être ; et, si tu ne veux pas, cela me sera égal, car Lella Maryem
  1. Cette esclave s’appelait Juana de Renteria. Cervantès parle d’elle dans sa comédie Los Baños de Argel, dont le sujet est aussi l’histoire de Zoraïde. Le captif Don Lope demande au renégat Hassem : « Y a-t-il, par hasard, dans cette maison quelque renégate ou esclave chrétienne ? » Hassem. « Il y en avait une, les années passées, qui s’appelait Juana, et dont le nom de famille était, à ce que je crois bien, de Renteria. » Lope. « Qu’est-elle devenue ? » Hassem. « Elle est morte. C’est elle qui a élevé cette Moresque dont je vous parlais. C’était une rare matrone, archive de foi chrétienne, etc. » (Jornada 1a.)
  2. Prière, oraison.