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ils sont loin de leurs dames, et vraiment j’en pleure quelquefois de la pitié qu’ils me donnent. — Ainsi, mademoiselle, reprit Dorothée, vous ne les laisseriez pas se lamenter longtemps, si c’était pour vous qu’ils fussent à pleurer ? — Je ne sais trop ce que je ferais, répondit la jeune fille ; mais je sais bien qu’il y en a parmi ces dames de si cruelles, que leurs chevaliers les appellent tigres, panthères et autres immondices. Ah, Jésus ! quelle espèce de gens est-ce donc, sans âme et sans conscience, qui, pour ne pas regarder un honnête homme, le laissent mourir ou devenir fou ? Je ne sais pas pourquoi tant de façons ; si elles font tout cela par sagesse, que ne se marient-elles avec eux, puisqu’ils ne demandent pas autre chose ? — Taisez-vous, petite fille, s’écria l’hôtesse ; on dirait que vous en savez long sur ce sujet, et il ne convient pas à votre âge de tant savoir et de tant babiller. — Puisque ce seigneur m’interroge, répondit-elle, il fallait bien lui répondre. — Maintenant, dit le curé, apportez-moi ces livres, seigneur hôtelier, je voudrais les voir. — Très-volontiers, répliqua celui-ci ; » et, passant dans sa chambre, il en rapporta une vieille malle fermée d’un cadenas, qu’il ouvrit, et de laquelle il tira trois gros volumes. Le curé les prit, et vit en les ouvrant