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quitté l’appartement, il mit le comble à mon déshonneur et à sa trahison.

» Le jour qui succéda à la nuit de ma perte ne venait point, à ce que je crois, aussi vite que le souhaitait Don Fernand ; car, après avoir assouvi un désir criminel, il n’en est pas de plus vif que celui de s’éloigner des lieux où on l’a satisfait. C’est du moins ce que je pensai quand je vis Don Fernand mettre tant de hâte à partir. Cette même servante qui l’avait amené jusqu’en ma chambre le conduisit hors de la maison, avant que le jour parût. Quand il me fit ses adieux, il me répéta, quoique avec moins d’empressement et d’ardeur qu’à son arrivée, que je fusse tranquille sur sa foi, que je crusse ses serments aussi valables que sincères ; et, pour donner plus de poids à ses paroles, il tira de son doigt un riche anneau qu’il mit au mien. Enfin, il me quitta, et moi, je restai, je ne sais trop si ce fut triste ou gaie. Ce que je puis dire, c’est que je demeurai confuse et rêveuse, et presque hors de moi d’un tel événement, sans avoir le courage ou même la pensée de gronder ma fille de compagnie pour la trahison