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doucement choyées que jamais choyèrent des parents. J’étais le miroir où ils se miraient, le bâton où s’appuyait leur vieillesse, le but unique où tendaient tous leurs désirs, qu’ils mesuraient sur la volonté du ciel, et dont les miens, en retour de leur bonté, ne s’écartaient sur aucun point. Et de la même manière que j’étais maîtresse de leurs cœurs, je l’étais aussi de leurs biens. C’est moi qui admettais ou congédiais les domestiques, et le compte de tout ce qui était semé ou récolté passait par mes mains. Les moulins d’huile, les pressoirs de vin, les troupeaux de grand et de petit bétail, les ruches d’abeilles, finalement tout ce que peut avoir un riche laboureur comme mon père, était remis à mes soins. J’étais la majordome et la dame, et j’en remplissais les fonctions avec tant de sollicitude et de plaisir que je ne saurais parvenir à vous l’exprimer. Les moments de la journée qui me restaient, après avoir donné les ordres aux contre-maîtres, aux valets de ferme et aux journaliers, je les employais aux exercices permis et commandés à mon sexe, l’aiguille, le