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c’est ici que se présente l’exécution de mon office, qui est d’empêcher les violences et de secourir les malheureux. — Faites attention, dit Sancho, que la justice, qui est la même chose que le roi, ne fait ni violence, ni outrage à de semblables gens, mais qu’elle les punit en peine de leurs crimes. »

Sur ces entrefaites, la chaîne des galériens arriva près d’eux, et Don Quichotte, du ton le plus honnête, pria les gardiens de l’informer de la cause ou des causes pour lesquelles ils menaient de la sorte ces pauvres gens. « Ce sont des forçats, répondit un des gardiens à cheval, qui vont servir sa majesté sur les galères. Je n’ai rien de plus à vous dire, et vous rien de plus à demander. — Cependant, répliqua Don Quichotte, je voudrais bien savoir sur chacun d’eux en particulier la cause de leur disgrâce. » À cela il ajouta d’autres propos si polis pour les engager à l’informer de ce qu’il désirait tant savoir, que l’autre gardien à cheval lui dit enfin : « Nous avons bien ici le registre où sont consignées les condamnations de chacun de ces misérables ; mais ce n’est pas le moment de nous arrêter pour l’ouvrir et en faire lecture. Approchez-vous et questionnez-les eux-mêmes ; ils vous répondront s’ils en ont envie, et bien certainement ils l’auront, car ce sont des gens qui prennent également plaisir à faire et à raconter des tours de coquins. »

Avec cette permission, que Don Quichotte aurait bien prise si on ne la