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qui est venu sur une nuée, la nuit, après que votre grâce est partie d’ici, et, mettant pied à terre d’un serpent sur lequel il était à cheval, il entra dans le cabinet, et je ne sais ce qu’il y fit ; mais au bout d’un instant, il sortit en s’envolant par la toiture, et laissa la maison toute pleine de fumée ; et quand nous voulûmes voir ce qu’il laissait de fait, nous ne vîmes plus ni livres, ni chambre. Seulement, nous nous souvenons bien, la gouvernante et moi, qu’au moment de s’envoler, ce méchant vieillard nous cria d’en haut, que c’était par une secrète inimitié qu’il portait au maître des livres et du cabinet, qu’il faisait dans cette maison le dégât qu’on verrait ensuite. Il ajouta aussi qu’il s’appelait le sage Mugnaton. — Freston, il a dû dire[1], reprit Don Quichotte. — Je ne sais, répliqua la gouvernante, s’il s’appelait Freston ou Friton ; mais, en tout cas, c’est en ton que son nom finit. — En effet, continua Don Quichotte, c’est un savant enchanteur, mon ennemi mortel, qui m’en veut parce qu’il sait, au moyen de son art et de son grimoire, que je dois, dans la suite des temps, me rencontrer en combat singulier avec un chevalier qu’il favorise, et que je dois aussi le vaincre, sans que sa science puisse en empêcher : c’est pour cela

  1. Cervantès aura sans doute écrit Friston, nom de l’enchanteur, auteur supposé de Bélianis, qui habitait la forêt de la Mort.