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ciosa ; il aura pleuré de la peine de voir en quel état il t’avait mise. Pour de tels hommes, et en de telles occasions, ils n’ont pas commis la faute, que déjà le repentir leur vient. Tu verras, sœur, s’il ne vient pas te chercher avant que nous sortions d’ici, et te demander pardon de tout le passé, humble et doux comme un agneau. — En vérité, s’écria Monipodio, ce lâche gredin n’entrera point par cette porte avant d’avoir fait une éclatante pénitence du crime qu’il a commis. Devait-il être assez osé pour mettre la main sur le visage de la Cariharta, et sur ses chairs, quand c’est une personne qui peut le disputer en propreté et en savoir-faire avec la Gananciosa elle-même, ici présente, ce qui est tout ce que je puis dire de plus fort ? — Hélas ! répondit la Juliana, que votre grâce, seigneur Monipodio, ne dise pas tant de mal de ce maudit ; tout méchant qu’il est, je l’aime comme l’enveloppe de mon cœur, et les propos que m’a dits en sa faveur mon amie la Gananciosa m’ont remis l’âme dans le corps. En vérité, si je m’en croyais, je l’irais chercher. — Non, c’est ce que tu ne feras point, par mon conseil, répliqua la Gananciosa, car autrement, il fera l’important, l’orgueilleux, et te travaillera comme un corps mort. Tiens-toi tranquille, sœur ; avant peu, tu le verras venir, aussi repentant que je te l’ai dit. S’il ne revient pas, nous lui écrirons un papier en couplets qui lui fera de la peine. — C’est cela même, dit la Cariharta, car j’ai mille choses à lui écrire. — Je serai le secrétaire, quand il en sera besoin, s’écria Monipodio, et quoique je ne sois guère poëte, cependant, si l’on retrousse ses manches, on vous défilera deux milliers de couplets en un tour de