Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’autre à Maniferro : tels étaient les noms des deux braves, et celui de Maniferro lui avait été donné parce qu’il portait une main de fer, au lieu de l’une des siennes, qu’on lui avait coupée par autorité de justice. Ils embrassèrent joyeusement les deux donzelles, et leur demandèrent si elles apportaient de quoi humecter la maîtresse voie. « Comment donc ! cela pouvait-il manquer, mon brétailleur ? répondit l’une d’elles, qui s’appelait la Gananciosa[1]. Silvatillo, ton goujat[2], ne tardera pas à venir avec le panier à lessive, farci de ce qu’il plaira à Dieu. » Cette promesse n’était pas vaine, car à l’instant même entra un jeune garçon chargé d’un panier à lessive couvert avec un drap de lit. L’arrivée de Silvato mit tout le monde en belle humeur, et Monipodio donna sur-le-champ l’ordre d’apporter, de la chambre basse, une des nattes de jonc, et de l’étendre au milieu de la cour ; puis, il ordonna que tous les confrères s’assissent à la ronde, disant qu’après qu’on aurait coupé la colère, on parlerait de ce qui ferait plaisir. À cet ordre, la vieille qui avait récité son chapelet devant la sainte image s’approcha. « Mon fils Monipodio, dit-elle, je ne suis pas en train de fête aujourd’hui, car j’ai depuis deux jours une migraine qui me rend folle. D’ailleurs, avant qu’il soit midi, je dois aller faire mes dévotions et offrir mes petits cierges à Notre-Dame des Eaux et au saint crucifix de saint Augustin, ce que je ne manquerais pas de faire quand même il tomberait de la neige et du verglas.

  1. La Gagneuse.
  2. En espagnol trainel, valet de rufian.