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sède. Mais nos parents jouissent encore de la vie ; s’ils s’en vont avant nous, nous en donnerons sur-le-champ connaissance à cette très-heureuse et très-accréditée confraternité pour qu’on fasse à leurs âmes ce naufrage ou tempête, ou cet adversaire que vous dites, avec la solennité et la pompe accoutumées, à moins cependant que ce ne soit mieux avec la poupe et la solitude, comme votre grâce l’a fait entendre dans ses propos. — C’est ce qui se fera, répondit Monipodio, ou il ne restera pas morceau de moi-même. » Appelant alors l’introducteur, il lui dit : « Holà, Ganchuelo[1], les postes sont-ils placés ? — Oui, reprit le guide, qui s’appelait, en effet, Ganchuelo, trois sentinelles sont aux aguets, et il n’y a pas à craindre qu’on nous prenne en sursaut. — Revenant donc à notre affaire, reprit Monipodio, je voudrais savoir, mes enfants, ce que vous savez faire, pour vous donner un emploi conforme à votre inclination et à votre habileté. — Moi, répondit Rinconète, je sais un peu la blague du badaud ; j’entends la réserve ; j’ai bonne vue pour la dépiste ; je joue bien de la seule, des quatre et des huit ; j’ai la tricherie plus aux mains qu’aux pieds ; j’entre dans la bouche du four comme dans ma maison ; je m’engage à ranger un régiment de tours mieux qu’un régiment de Naples, et à donner l’assaut au plus huppé

mieux qu’à lui prêter deux réaux[2]. — Voilà des prin-

  1. Diminutif de gancho, crochet, et, par métaphore, raccoleur.
  2. Toutes ces expressions, autant qu’on pouvait les rendre en français, signifient, dans l’argot bohémien, divers tours de filouterie.