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ne me mêle point de théologie. Ce que je sais, c’est que chacun dans son métier peut fort bien louer Dieu, surtout d’après l’ordre qu’en a donné Monipodio à tous ses filleuls. — Sans doute, ajouta Rincon, cet ordre doit être saint et édifiant, puisqu’il fait que les voleurs servent Dieu. — Il est si saint et si édifiant, répliqua le portefaix, que je doute qu’on puisse jamais en établir un meilleur dans notre métier. Monipodio nous a donné l’ordre de prélever, sur tout ce que nous volons, quelque aumône pour l’huile de la lampe d’une très-dévote image qui est dans cette ville. Et en vérité, nous avons vu de grandes choses à la faveur de cet ordre. Ces jours passés, on a donné trois angoisses à un cuatrero qui avait murcié deux braillards, et, bien qu’il fût chétif et fiévreux, il les a souffertes sans chanter, comme si ce n’eût rien été du tout. Nous autres du métier, nous avons attribué cette constance à sa bonne dévotion, car ses forces n’étaient pas de taille à tenir bon contre le premier crac du bourreau. Et maintenant, comme je sais que vous allez me questionner sur quelques-uns des mots que j’ai dits, je veux me guérir en santé, et vous les expliquer avant que vous me le demandiez. Que vos grâces sachent donc que cuatrero est un voleur de bétail, angoisses la question, braillards les ânes, parlant par respect, chanter avouer le vol, et premier crac le premier tour de corde que donne le bourreau. Nous faisons plus ; nous récitons notre chapelet en le divisant pour la semaine ; plusieurs d’entre nous ne volent pas le vendredi, et le samedi, nous ne faisons la conversation avec aucune femme du nom de Marie. — Tout cela me semble d’or,