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trois cuartos. Cortado mit la sienne dans son sein, et en tira une bourse, qui paraissait avoir été de fil d’ambre dans les temps passés. Elle était passablement enflée. « C’est avec cette bourse, dit Cortado, que m’a payé sa révérence l’étudiant, et avec ces deux cuartos de plus. Prenez-la, vous, Rincon, crainte de ce qui peut arriver. » À peine la lui avait-il secrètement glissée dans la main, que voici l’étudiant qui arrive, suant, haletant, mortellement troublé. Celui-ci n’eut pas plutôt aperçu Cortado qu’il lui demanda s’il avait vu, par hasard, une bourse de telles et telles enseignes, qui avait disparu avec quinze écus d’or en or, trois doubles réaux, et tant de maravédis en menue monnaie. « Me l’auriez-vous prise, ajouta-t-il, pendant que j’achetais avec vous par le marché ? » Cortado répondit avec un sang-froid merveilleux, sans se troubler, sans changer de visage : « Ce que je puis dire de cette bourse, c’est qu’elle ne doit pas être perdue, à moins, pourtant, que votre grâce ne l’ait mise en de mauvaises mains. — C’est cela même, pécheur que je suis ! répliqua l’étudiant ; il faut bien que je l’aie mise en de mauvaises mains, puisqu’on me l’a volée. — J’en dis tout autant, reprit Cortado ; mais il y a remède à tout, si ce n’est à la mort. Ce que votre grâce a de mieux à faire, c’est d’abord de prendre patience, car de moins Dieu nous a faits, et après un jour en vient un autre, et quand l’un donne l’autre prend ; il pourrait donc se faire qu’avec le temps, celui qui a pris la bourse vînt à se repentir, et la rendît à votre grâce avec les intérêts. — Des intérêts nous lui ferions bien grâce, répondit l’étudiant. — D’ailleurs, continua Cortado, il y a des lettres