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la forêt enchantée.

est à moi dès ce jour, et dès ce jour tu es riche à faire envie aux plus opulents daïmio, aux marchands les plus considérés de Seto, de Yeddo et de Yokohama. Tu es ivrogne, joueur, débauché, l’or te glisse entre les doigts, je le sais ; eh bien, qu’importe ? je pourvoirai à tes besoins de telle sorte que jamais tes folies ne mettront ta bourse à sec.

Hanko était ébloui ; et c’est le front dans la poussière, les paumes des mains élevées vers le ciel, qu’il répondit :

— Seigneur ! Seigneur ! ma fille est à vous, et vous êtes un dieu tout puissant !

V

Voilà donc Hanko revenu auprès de ses enfants, et envisageant l’avenir avec confiance. Il ne se montra nullement surpris, peu de jours après, lorsque le directeur d’une grande banque lui fit savoir qu’il avait un compte ouvert sur sa caisse ; il se contenta d’y puiser largement.

Par la même entremise il reçut un court billet l’avertissant que Yabura serait cherchée à une date indiquée, par un serviteur chargé de l’accompagner auprès de son époux, suivant le contrat échangé de bonne foi. Au jour dit, en effet, un superbe kogo s’arrêta devant le nouveau palais de Hanko, le mandataire de son dernier gendre en descendit, et le père lui remit sa fille non sans verser quelques larmes sincères, car dans la prospérité, bien qu’il les rudoyât souvent, il aimait toujours ses enfants et plus encore Yabura, qui, par son caractère autoritaire, le dominait. Son cœur de père l’emportait sur son esprit avide… pourvu néanmoins que celui-ci fût satisfait. Or puisqu’il ne pouvait l’être que par le sacrifice de l’autre sentiment, aucune hésitation, n’est-ce pas, n’était possible ?

Eh bien ! qui l’eût cru ? Hanko, pourvu de tout ce que sa cupidité pouvait désirer, n’ayant même pas la joie de l’avare qui met