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contes japonais.

instant l’épée de son adversaire s’abattait, et ne rencontrant aucune parade, elle traversa la poitrine du daïmio de Taratori.

Nézumi s’était jetée sur le corps ensanglanté de son fiancé. Yotsu, impassible, essuya son beau sabre à garde ciselée, et le reposant sur le chevalet :

— Nézumi, dit-il avec un sourire cruel, il faudra faire porter ce jeune homme dans son palais. Que son exemple profite à tous ceux qui oublient les saintes lois
L’épée traversa la poitrine du daïmio.
du Nippon. Puis s’enveloppant dans son manteau avec dignité, il sortit.

VI

Ainsi, le bonheur à peine ébauché était à jamais rompu. Hikusen était mort, mort pour Nézumi et par Nézumi, et elle, la petite servante, si jolie et si rieuse, si insouciante avant qu’un beau seigneur fût venu la chercher et troubler sa quiétude, elle restait seule sur la terre pour pleurer, portant dans son cœur un deuil que rien ne rachète. Elle, qui avait rêvé de vivre à côté de cet homme, de partager sa joie et ses douleurs, elle ne pourrait même pas assister à ses funérailles, suivre son cercueil jusqu’au cimetière, au milieu des pleureuses et des porteurs de lanternes ! Mais aussi, elle devrait conserver devant les yeux, dix ans encore, l’odieuse figure de ce maître redouté, auquel elle devait son malheur.

C’était trop souffrir ! Qu’avait-elle fait, l’humble fille, pour être ainsi punie du ciel ?

Le ciel ! en prononçant ce seul mot qui représentait à son esprit