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contes japonais.

deras à tous le respect, aussi bien que si tu descendais d’un mikado.

Voilà donc Nézumi sur le point de parler à son maître, le vieux et laid Yotsu. Certes elle en aurait le courage !… Non pas qu’elle se sentît éblouie, ni même séduite outre mesure par cette extraordinaire faveur, dont elle ne se dissimulait pas les dangers. Mais, depuis ce printemps, elle aimait en secret Hikusen, rêve délicieux que la veille encore elle n’osait s’avouer à elle-même ; demain il pourrait devenir une réalité si elle ne rencontrait aucun obstacle de la part de celui qui disposait de son avenir ; elle ne voulait pas tarder davantage à demander ce consentement indispensable à son bonheur. Pourquoi, au surplus, Yotsu refuserait-il ? Exigeant et brutal, il n’était pas cependant trop dur pour ses serviteurs, et d’ailleurs, le mariage de Nézumi devait lui importer peu !

Hélas, qu’elle était loin du but, la pauvre servante !

Yotsu ne saisit pas tout d’abord le sens exact de la prière qui lui était adressée. La timide jeune fille, dans son émotion, embrouillait le manteau brodé, le marc de thé, Hikusen, les cerisiers en fleurs ; mais lorsqu’enfin le maître eut compris que Hikusen, son grand ami, dont il admirait la constance, n’était venu chez lui si longtemps que pour voir sa servante, et que maintenant, chose lamentable et bien digne de la génération nouvelle, il voulait déroger et épouser une pauvre fille du peuple, il fut à la fois vexé et indigné : vexé d’avoir joué le rôle de dupe ; indigné de voir chez un homme de sa caste une mésalliance qui blessait tous les anciens préjugés, et dont il aurait à rougir, lui-même tout le premier, en tant que daïmio.

Lorsqu’enfin Yotsu put parler, ce fut pour éclater en imprécations et en reproches, accompagnés de grands gestes de menace. Il rappela à Nézumi son origine obscure, sa condition humiliante, les durs travaux auxquels elle avait consacré son temps, et il riait avec un gros rire moqueur, en comparant tout cela avec le haut rang auquel elle aspirait.


Yotsu éclata en imprécations…

— D’ailleurs, ajouta-t-il, je suis bien bon, vraiment, de prendre