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le chercheur de trésors.

sereine et la lune, à travers les branches, semblait rire de la déconvenue du jeune homme.

Assis sur la plage, devant la mer immense dont les vagues déferlaient à ses pieds avec le bruit monotone et triste, il cherchait à dompter la fièvre et à reprendre ses esprits. Le coup était rude autant qu’inattendu ; comment le parer ?


Assis sur la plage il cherchait à reprendre ses esprits

Tout à coup le jeune daïmio eut un sourire.

— Bah ! dit-il, je suis ruiné, mais la belle Nikkô-Souma, la jolie veuve ma voisine, ne doit-elle pas m’épouser ? Elle est riche et elle m’aime ; qu’importe pour elle quelques milliers de yens d’or !

Se faisant apporter son nécessaire à écrire, il traça avec assurance les lignes suivantes :

« Ô Nikkô, beauté plus brillante que l’éclat du soleil dont tu portes le nom, Yori, ton bien aimé, est triste. Il est devenu plus pauvre que les hinins qui mendient sur la route. Mais dans ce malheur il n’a songé qu’à toi ; pour lui l’argent n’est rien, car il a ton amour ».

Satisfait de la tournure galante de son billet, il ordonna de le porter dès le lever du soleil, et, s’étendant sur sa natte, il dormit bien.

II

Nikkô traçait ses sourcils devant le miroir que lui tendait une suivante, lorsque la lettre lui parvint. Elle lut, pendant qu’un pli s’accusait au coin de sa bouche dédaigneuse ; elle resta un moment pensive, puis, d’un bras nonchalant approchant une petite table, elle trempa son pinceau dans le frais vermillon, et écrivit sur le papier de riz parfumé.

« La vie commune est douce à deux, mais quand elle est entourée d’or et de soie. Pauvre, je ne t’aimerais plus, il vaut donc mieux que tu souffres seul. Adieu Yori ».