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la forêt enchantée.

du lac. En marchant dans cette direction, tu devras, je pense, atteindre avant peu son domaine. Moi, je ne puis quitter celui de mon époux sans m’exposer à sa colère terrible. Car lorsqu’il est aigle, il en prend les instincts, et s’il te voyait ici à son retour, il te mettrait en pièces. Adieu donc, cher frère ! sois plus heureux avec ma sœur si tu veux ramener l’une de nous auprès de notre père. Moi, je reste, avec mon bonheur d’un jour, auprès de celui qui me le donne.

Kamô rejoignit ses compagnons, tout songeur devant cet amour de femme, fait d’indulgence et de dévouement, qui résistait, par la seule espérance, à cette terrible épreuve. Et il ne se sentait plus aussi confiant dans la mission qu’il avait à remplir.

VII

Le lendemain seulement, on atteignit une colline d’où la vue s’étendait sur le lac.

Mûri par l’expérience précédente, Kamô agit cette fois avec plus de circonspection, et chacun se posta en observation pour étudier les allées et venues des habitants de ces eaux mystérieuses, et reconnaître le meilleur chemin pouvant conduire à la retraite de Gamawuki.

En apparence, ce lac était uni, limpide, aux bords franchement accusés.

Mais l’un des serviteurs, ayant battu le terrain, ne tarda pas à venir annoncer à son maître qu’un petit bouquet de bois, paraissant rattaché au rivage et à la forêt, était en réalité une île. Là se trouvait sans doute la clé du mystère.

À peine avait-il terminé ce rapport, que vers le milieu de l’eau émergea le long dos brun d’un poisson qui semblait folâtrer en s’éloignant de l’île.

— Voilà sans doute mon excellent beau-frère ! dit Kamô avec une grimace. Si je ne veux pas me faire gober comme une mouche, c’est le moment de traverser à la nage et de gagner l’île.