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TRAITÉ DE LA PEINTURE

sable et une partie de chaux . Pétris-les bien avec de l’eau en quantité suffisante pour te durer quinze ou

    autour, le presser, lui donner une épaisseur partout égale, et l’unir sans le détacher du fond, sont des opérations de la plus haute importance. Plus l’enduit est lisse, plus la peinture est belle et solide. Ces qualités dépendent aussi de la sécheresse du mur.

    Dans Cennino, nous voyons que les anciens composaient sur le crépi. Ils avaient ainsi l’immense avantage de composer sur place. Sur un crépi rugueux, ce devait être difficile aussi Benozzo Gozzoli, au Campo-Santo de Pise, fit faire ses crépis lisses. C’est pour cette raison que le second enduit est tombé dans bien des endroits, et laisse à découvert la composition tracée sur le crépi. Ce que dit Cennino explique cette multitude de petits dessins qu’on trouve dans toutes les collections ; dessins fort étudiés et qui ont dû servir à l’exécution des peintures.

    Plus tard on fit des cartons.

    Ils doivent être de la grandeur de l’exécution. Avec eux on perd l’avantage de composer sur place, mais on gagne de pouvoir pousser plus loin les préparatifs nécessaires à l’exécution de la fresque. Cela ne dispense pas de tracer l’ensemble du sujet sur le crépi ou sur la pierre. Sans cette précaution on pourrait, par une petite erreur de chaque jour, arriver au bas du mur sans place pour terminer son sujet.

    Quand donc le carton est fini, si l’on place derrière un papier de la même grandeur en piquant le dessin, on aura deux cartons au lieu d’un. Celui terminé restera pendu comme modèle, et celui qui est en double servira à poncer sur le mur d’abord le tout que l’on passera au rouge délayé dans l’eau, ensuite les morceaux de chaque jour que l’on coupera dans ce carton. En plaçant ces morceaux sur l’enduit, il faut avoir soin de les mettre bien d’accord avec leurs continuations tracées sur le crépi.

    Négliger cette précaution entraînerait des inconvénients impossibles à croire.

    Le rouge à l’eau, avec lequel on dessine sur mur ou sur crépi, se fixe au bout d’un certain temps si bien, qu’il n’est enlevé ni par le lavage ni par l’enduit qu’on lui superpose. Pour cette raison, Cennino recommande de peindre la bordure d’abord, puis de commencer le sujet par le haut. Si on ne suivait pas ce conseil, en mouillant la partie où doit être posé l’enduit du jour, l’eau coulerait sur les parties peintes et les gâterait sans remède. Car cette eau entraine des saletés du mur qui se fixent sur l’enduit comme une couleur.

    Pour ce qui est de la manière de peindre, Cennino en indique une excellente. Modeler en clair, glacer avec des teintes locales, et revenir avec des vigueurs pour perfectionner le modelé. Ce système de Giotto a été plus tard celui du Titien et de toute l’école vénitienne. Il n’y a rien à ajouter à ce que dit Cennino ; d’abord les anciennes peintures à fresque laissent voir clairement comment elles sont faites, et chacun doit chercher le moyen qui convient à son style.