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DU CH. TAMBRONI

la peinture monumentale, non-seulement en développant le goût des petites choses et des petits moyens, mais encore en rendant le travail si long et si pénible qu’une grande entreprise semble avec elle impraticable.

Ceux qui savent les difficultés qu’elle entraîne se demandent comment les anciens ont tant fait et trouvé tant à faire ? les artistes n’avaient pas une journée plus longue ; les petits princes et les particuliers, des bourses plus profondes que nos grands États. À cela, Cennino répond : « Nous connaissions la peinture à l’huile, mais nous ne nous en servions pas. Nous avions des moyens prompts et simples. Cette promptitude n’excluait pas la perfection. » Les plafonds des loges de Raphaël sont coupés en trois morceaux, c’est-à-dire trois jours d’exécution[1]. La Messe, on le dit, est en dix-huit morceaux : dix-huit jours. Les tableaux de quinze pieds carrés, d’Agnolo Gaddi, à Santa-Croce, sont divisés en quinze morceaux : quinze jours ; etc., etc. Ce simple exposé renferme toute la question pratique de la peinture monumentale ; il explique tant et de si grands travaux que nous avons peine à les comprendre ; il dit comment des particuliers et les petites républiques d’Italie pouvaient alors ce que de grands empires ne pourraient aujourd’hui,

Que ceci nous excuse même auprès du chev. Tambroni, si nous ne regrettons pas pour l’Italie l’invention de la peinture à l’huile.

S’il nous est permis d’émettre notre pensée, nous dirons plus, nous croyons que la peinture à l’huile a toujours existé, et que Jean de Bruges n’a été que l’inventeur d’un ou de vernis (on ne sait s’il en a inventé un ou plusieurs) qui la rendait solide et brillante, et que son secret est mort avec lui. En effet, pour fixer la peinture sur mur ou sur tableaux, il n’y a que trois moyens : la chaux, les colles et les corps gras. La chaux tirée de la muraille y retourne pour fixer les couleurs ;

  1. La peinture à fresque se fait par morceaux ; chaque morceau doit être fini le jour où il a été commencé.