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DU CH. TAMBRONI

montagnes. Cependant je te dis que c’est une couleur artificielle, mais non traitée chimiquement. » Son ignorance sur beaucoup de couleurs ne doit pas étonner. Les Vénitiens, qui seuls naviguaient en Orient, faisaient pour toute l’Europe le commerce de l’Asie, et les couleurs entraient pour une bonne part dans ce commerce. On les préparait dans les boutiques de Venise, où il s’en fait encore, et de là on les répandait dans toutes les pharmacies de l’Italie, où les peintres les achetaient. En effet, dans son chap. x, Cennino fait mention de ces petites tablettes qui servaient et servent encore aux miniaturistes, que nous nommons pezzette di Levanti, tablettes du Levant : elles sont d’un rouge approchant le carmin et servent aux femmes pour embellir leur visage.

Pour prouver que Vasari, comme je l’ai dit plus haut, ne lut jamais tout le livre de Cennino, je placerai ici quelques raisons auxquelles je ne pense pas que l’on puisse répondre. Il dit premièrement : « Il ne fait pas mention (Cennino) de certaines couleurs terreuses, qui peut-être n’étaient pas en usage, comme la terre rouge-obscur, le cinabrese, etc. » Cependant les chap. xxxviii et xxxix sont consacrés par l’auteur à la sinopia, ou terre rouge-obscur, et au cinabrese. En second lieu, Vasari ajoute : « Il traite également des mosaïques, etc. » Et Cennino ne dit pas un mot de ce travail. En troisième lieu, le même Vasari enregistre que Cennino a traité du broyage des couleurs à l’huile pour faire des champs rouges, bleus, verts, et d’autre façon, plus des mordants pour dorer, mais non pour peindre la figure. Tandis que six chapitres, du lxxxixe au xcive sont employés à décrire non-seulement la manière de faire l’huile bonne pour les mordants en la cuisant au feu, mais encore en la cuisant au soleil pour peindre sur mur, sur panneau, sur fer, sur pierre, sur verre, et de broyer les couleurs elles-mêmes avec l’huile pour faire des chairs, des vêtements, des montagnes, des arbres, et tout ce que l’on veut. Ce n’est pas encore assez : car Cennino ayant écrit, à la fin de son livre, neuf chapitres pour mouler en plâtre une personne vivante, des têtes, des parties de nu, des mon-