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SIXIÈME PARTIE

prends-en peu dans un godet, prends un pinceau d’écureuil bien doux et pointu, monté dans un tube de plume de colombe ou de poule, la pointe sortant très-peu de la plume, trempe seulement le bout de la pointe dans ton mordant et travaille tes ornements ou tes frises. Comme je te l’ai dit, fais que ton pinceau ne soit pas trop chargé ; la raison en est que tu pourras faire tes travaux par traits comme des cheveux légers, travail le plus vague possible. Pour le faire, d’abord il faut s’asseoir ; puis, attends de jour en jour, tâte ces travaux avec le doigt annulaire de la main droite, c’est-à-dire le bout du doigt[1]. Si tu vois que le mordant poisse tant soit peu et tienne le doigt, alors avec tes pincettes prends une demi-feuille d’or fin ou d’or de moitié ou d’argent (bien que ces deux derniers ne durent pas), et place-la sur le mordant, appuie avec de la ouate, et avec le même doigt ramasse les petits morceaux d’or et fais-les prendre sur le mordant là où il en manquerait ; ne te sers pas d’un autre bout de doigt, celui-là est le plus adroit que tu aies. Fais que tes mains soient toujours bien propres. Note que l’or employé sur mordant pour ces travaux légers doit être plus battu et aussi mince que possible ; car s’il était épais, on ne pourrait l’employer aussi bien que quand il s’agit de couvrir tout un champ d’or. Si tu veux, tu peux le laisser reposer un autre jour, puis prendre un plumeau et épousseter partout. Si tu veux recueillir l’or qui tombe ou la poussière d’or et la conserver, elle est bonne pour les orfèvres ou pour toi-même. Enfin prends de la ouate bien neuve et propre pour brunir à perfection tes frises dorées.

  1. Le doigt annulaire veut dire ici l’index. Au temps de l’auteur, on portait l’anneau à ce doigt, comme on peut s’en convaincre par les peintures du temps. (Cav. Tambroni)