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j’affirme (toujours en parlant modestement) que la sculpture l’emporte de beaucoup sur la peinture.

Cette considération m’a conduit à faire une observation de même ordre, que, par conséquent, il me semble bon d’exposer. La voici donc : selon moi, tous les artistes qui, en vertu de la sculpture, s’entendront le mieux à faire un corps humain avec ses proportions et ses mesures, ceux-là seront en même temps les meilleurs architectes, pourvu toutefois qu’ils ne soient pas étrangers aux éléments constitutifs de cet art aussi noble que nécessaire. Et je suis amené à parler ainsi non-seulement à cause des rapports généraux qui existent entre les édifices et le corps humain, mais encore parce que les proportions des colonnes et des autres ornements architecturaux tirent leur origine des proportions du corps humain. Ainsi donc, je le répète, tous les artistes qui excelleront à faire une statue avec harmonie dans toutes ses mesures et ses parties, ceux-là, j’en suis certain, deviendront les plus habiles dans l’architecture ; car tout sculpteur consommé, comme je l’ai démontré, en luttant contre des difficultés et en observant des règles auxquelles le peintre n’est point accoutumé, acquiert un jugement qui lui est d’une ressource toute particulière pour l’architecture.

Ce n’est pas à dire pour cela cependant que je veuille affirmer que l’on ne puisse être bon architecte si l’on n’est pas habile sculpteur. On voit, en effet, que Bramante, Raphaël et plusieurs autres peintres ont exercé l’architecture d’une manière judicieuse et pleine de charmes, sans toutefois jamais arriver dans cet art à la supériorité que possédait notre Buonarroti et dont il était redevable à ce qu’il savait mieux que tout autre faire parfaitement une statue. A cela tient véritablement que ses ouvrages d’architecture sont si harmonieux et si gracieux que nos yeux ne peuvent se lasser de les contempler.