Page:Cellini, Oeuvres completes, trad leclanché, t2, 1847.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parce que le feu de sa nature tend à s’élever. En continuant de fouiller, je rencontrai l’autre tête, c’est-à-dire celle du Persée, qui était également réussie : j’en fus beaucoup plus étonné ; car, on le sait, elle est infiniment plus basse que celle de la Méduse. La bouche du moule s’ouvrait sur la tête et les épaules du Persée. Par un bonheur inouï, le bronze qui était dans mon fourneau se trouva exactement suffisant pour terminer la tête : chose surprenante ! il n’en resta pas un grain dans les canaux, et rien ne manqua à la mesure qui m’était nécessaire. Cela me parut un véritable miracle opéré par Dieu. Je poursuivis mon exhumation avec le même succès. Tout se présentait aussi heureusement. Lorsque j’arrivai au pied de la jambe droite qui pose à terre, je m’aperçus que le talon était venu, puisqu’il était entier. J’en fus très-content d’un côté, mais d’un autre côté j’en fus contrarié, parce que j’avais dit au duc que le pied ne pourrait réussir. En finissant de le découvrir, je vis qu’il manquait non-seulement les doigts, mais encore près de la moitié du pied. Bien que cet accident dût me donner un peu plus de travail, j’en fus enchanté, car il devait prouver au duc que je savais mon métier. Du reste, si le métal avait formé une plus grande partie du pied que je ne l’avais cru, cela tenait simplement à ce que le bronze avait été chauffé plus que les règles ne le prescrivent et à ces plats d’étain que j’y avais mêlés pour le liquéfier, procédé qu’aucun maître n’a jamais employé.

Dès que je vis mon œuvre si bien venue, j’allai à Pise trouver le duc et la duchesse, qui me firent l’accueil le plus aimable que l’on puisse imaginer. Bien que le majordome ne leur eût rien laissé ignorer, la chose leur parut encore plus étonnante quand ils me l’entendirent raconter. Enfin, lorsque je me mis à parler de ce pied qui n’avait pas réussi comme je l’avais annoncé, le duc fut émerveillé