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qui se sentait mourir ? En vérité, je crois que ces coups de poing et ces coups de pied que, dans votre fureur diabolique, vous nous avez administrés la nuit passée, auront épouvanté la fièvre, qui se sera enfuie de peur d’en recevoir autant. » — Tous mes braves gens, qui étaient remis de leur frayeur et de leurs fatigues, coururent alors acheter, en remplacement de ma vaisselle d’étain, des plats et des assiettes de terre dans lesquels nous dînâmes joyeusement. Je ne me souviens pas d’avoir de ma vie mangé avec plus d’appétit et de gaieté.

Après le dîner, tous ceux qui m’avaient aidé vinrent me trouver. Ils se félicitaient et remerciaient Dieu de ce qui était arrivé. Ils disaient qu’ils avaient appris et vu faire des choses que tous les autres maîtres tenaient pour impossibles. De mon côté, je n’étais pas sans être un peu fier de l’habileté que j’avais déployée. Enfin, je mis la main à la poche et je payai et contentai tout mon monde.

Mon mortel ennemi, le maudit messer Pier Francesco Riccio, le majordome du duc, avait le plus vif désir de savoir comment l’affaire s’était passée. Les deux traîtres que je soupçonnais d’avoir amené mon métal à l’état de gâteau lui dirent que je n’étais pas un homme, mais plutôt le grand diable en personne, attendu que j’avais obtenu des résultats que l’art seul ne pouvait produire, et que j’avais accompli une foule de choses trop difficiles pour un simple démon. Comme ils avaient beaucoup amplifié ce qui était arrivé, sans doute afin de s’excuser de leur insuccès, le majordome, en écrivant au duc, qui était alors à Pise, se jeta de son côté dans des exagérations encore plus terribles et plus merveilleuses.

Après avoir laissé refroidir le bronze pendant deux jours, je commençai à le découvrir peu à peu. Je trouvai d’abord que la tête de la Méduse était parfaitement venue, grâce aux évents, et, comme je l’avais annoncé au duc,