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nos oreilles, et une flamme semblable à un éclair brilla à nos yeux. Une indicible terreur s’empara de chacun et de moi plus que des autres. Dès que ce fracas fut passé et cette clarté éteinte, nous nous regardâmes les uns les autres. Bientôt nous nous aperçûmes que le couvercle de la fournaise avait éclaté et que le bronze débordait. J’ordonnai d’ouvrir de suite la bouche de mon moule et en même temps de frapper sur les deux tampons.

Ayant remarqué que le métal ne courait pas avec la rapidité qui lui est habituelle, je pensai qu’il fallait peut-être attribuer sa lenteur à ce que la violence du feu auquel je l’avais soumis avait consumé l’alliage. Je fis alors prendre tous mes plats, mes écuelles et mes assiettes d’étain, qui étaient au nombre d’environ deux cents ; j’en mis une partie dans mes canaux et je jetai l’autre dans le fourneau. Mes ouvriers, voyant que le bronze était devenu parfaitement liquide et que le moule s’emplissait, m’aidaient et m’obéissaient avec autant de joie que de courage. — Tout en leur commandant tantôt une chose, tantôt une autre, je disais : — « Béni sois-tu, ô mon Dieu ! qui par ta toute-puissance ressuscitas d’entre les morts et montas glorieusement au ciel ! » — À l’instant mon moule s’emplit. Je tombai à genoux et je remerciai le Seigneur de toute mon âme. — Puis, ayant aperçu un plat de salade qui était là sur un mauvais petit banc, j’en mangeai de grand appétit et je bus avec tous mes hommes. Ensuite, comme il était deux heures avant le jour, j’allai joyeux et bien mieux portant me fourrer dans mon lit, où je me reposai aussi tranquillement que si je n’eusse jamais été le moins du monde indisposé. — Pendant ce temps, ma bonne servante, sans que je lui eusse rien dit, m’avait préparé un petit chapon bien gras ; de sorte que, quand je me levai vers l’heure du dîner, elle accourut gaiement près de moi en me disant : — « Est-ce donc là cet homme