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tant qu’il nous restera un souffle de vie. » — Je crois qu’ils me dirent ces bonnes paroles parce qu’ils pensaient que j’allais bientôt tomber mort.

Je courus sur-le-champ à mon fourneau, et je vis que le métal s’était tout coagulé et, pour me servir d’un terme de fonderie, avait formé un gâteau. — J’envoyai deux manœuvres chercher en face, dans la maison du boucher Capretta, une pile de bois de jeunes chênes qui étaient sciés depuis plus d’un an et que madonna Ginevra, femme dudit Caprelta, m’avait offerts. Aussitôt que les premières brassées m’eurent été apportées, j’en remplis la fournaise. — Comme le chêne produit un feu plus violent que toute autre espèce de bois (on emploie le peuplier et le pin pour couler l’artillerie, qui réclame une chaleur plus douce), il arriva que mon gâteau commença à se liquéfier et à étinceler dès qu’il eut commencé à sentir ce feu infernal. — En même temps je fis ouvrir les canaux et j’envoyai sur le toit quelques-uns de mes gens pour éteindre le feu que les flammes du fourneau y avaient allumé de plus belle. Du côté du jardin j’avais fait placer des planches et tendre des tapis et des toiles qui me garantissaient de la pluie. — J’eus bientôt remédié à tous ces accidents. — De ma plus grosse voix je criais à mes hommes : — « Apportez-moi ceci, ôtez-moi cela ; » — et toute cette brigade, voyant que le gâteau commençait à se liquéfier, m’obéissait de si bon cœur que chaque ouvrier faisait la besogne de trois. — Alors je fis prendre un demi-pain d’étain qui pesait environ soixante livres, et je le jetai dans le fourneau sur le gâteau, qui, grâce au chêne qui le chauffait en dessous et aux leviers avec lesquels nous l’attaquions en dessus, ne tarda pas à devenir liquide. Quand je vis que, contre l’attente de tous ces ignorants, j’avais ressuscité un mort, je repris tant de force qu’il me semblait n’avoir plus ni fièvre ni crainte de la mort. — Tout à coup une détonation frappa