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mes auxiliaires qui étaient au nombre de plus de dix, en comptant les maîtres fondeurs, les manœuvres et les ouvriers attachés à ma boutique, je me recommandai à eux tous ; puis je m’adressai à un certain Bernardino Manellini de Mugello, qui depuis plusieurs années était chez moi, et je lui dis : — « Mon cher Bernardino, suis ponctuellement le plan que je t’ai expliqué, et va aussi vite que possible, car le métal sera bientôt à point. Tu ne peux te tromper, ces braves gens feront promptement les canaux. Avec ces deux pierriers, vous frapperez les tampons du fourneau, et je suis certain que mon moule s’emplira très-bien. Quant à moi, je me trouve plus malade que je ne l’ai jamais été depuis le jour où je suis né, et, en vérité, je crois qu’avant peu d’heures je ne serai plus de ce monde. » — Là-dessus je les quittai, le cœur bien triste, et j’allai me coucher.

Dès que je fus au lit, j’ordonnai à mes servantes de porter à boire et à manger à tous ceux qui étaient dans mon atelier, et je leur disais : — « Hélas ! demain matin je ne serai plus en vie ! » — Elles cherchèrent à m’encourager, en m’assurant que ce grand mal étant venu par trop de fatigue, il ne tarderait pas à se dissiper. La fièvre alla toujours en augmentant de violence durant deux heures consécutives, pendant lesquelles je ne cessais de répéter que je me sentais mourir. — Ma servante, qui gouvernait toute la maison et qui se nommait Mona Fiore da Castel del Rio, la femme la plus vaillante et la plus dévouée qui ait jamais existé, me prodiguait les soins les plus empressés et ne cessait de me crier que j’étais fou de me décourager ainsi. Cependant mes souffrances et mon accablement brisaient son brave cœur, et elle ne pouvait empêcher que ses yeux ne laissassent tomber des larmes qu’elle essayait de me cacher. Tandis que j’étais en proie à ces affreuses tribulations