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beau buste colossal de Votre Excellence que l’on a envoyé à l’île d’Elbe ? N’ai-je pas restauré le Ganymède, cette belle statue de marbre, qui m’a coûté plus de peine que si je l’eusse sculptée entièrement ? Enfin, lorsque j’ai jeté en bronze la Méduse qui est devant vos yeux, n’ai-je pas surmonté d’immenses difficultés et opéré ce que personne n’avait encore jamais fait dans cet art diabolique ? Voyez, signor mio, j’ai reconstruit mon fourneau d’après une méthode nouvelle ; car, sans parler de divers perfectionnements qu’on y remarque, j’y ai pratiqué deux issues pour le bronze, seul procédé qui pût mener à bien cette figure contournée. Sa réussite, à laquelle tous les maîtres de l’art refusaient de croire, n’est donc due qu’à mon habileté. Tenez pour certain, signor mio, que tous les grands et difficiles travaux que j’ai exécutés en France pour ce merveilleux roi François Ier sont tous arrivés à bonne fin, uniquement parce que ce bon prince avait soin de m’encourager en me donnant un riche traitement et en m’accordant tous les ouvriers que je lui demandais, si bien que parfois j’en avais plus de quarante, tous choisis par moi. Voilà pourquoi j’ai fait tant d’ouvrages en si peu de temps. Ainsi donc, signor mio, ayez confiance en moi, accordez-moi ce dont j’ai besoin, et je vous terminerai, j’espère, un ouvrage qui vous plaira. Si, au contraire, Votre Excellence me décourage et ne me fournit point ce qui m’est nécessaire, elle ne saurait attendre de moi ou de tout autre quelque chose de bien. » — Le duc m’écoutait avec impatience : il se tournait tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Quant à moi, pauvre malheureux, j’étais au désespoir en songeant à la magnifique position que j’avais en France. — Tout à coup le duc s’écria : — « Or çà, Benvenuto, dis-moi un peu comment pourra jamais réussir à la fonte cette belle tête de Méduse que Persée tient dans sa main et qui est si élevée ! » — « Si Votre Excellence,