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MÉMOIRES DE BENVENUTO CELLINI

Plusieurs années plus tard il me retrouva à Rome, me confia son piteux état, et me supplia de lui prêter secours, pour l’amour de Dieu. Son remarquable talent, sa qualité de compatriote, et enfin mon cœur facile à émouvoir, furent cause que je le reçus dans ma maison, où un bon traitement, aidé de sa jeunesse, ne tarda pas à rétablir sa santé.

Tout en se soignant, il étudiait sans relâche, grâce aux livres que je lui procurais en aussi grand nombre que je pouvais. Sensible à mes bienfaits, il me remercia souvent, les larmes aux yeux, en m’assurant que, si jamais Dieu lui envoyait quelque bonheur, il saurait me prouver sa gratitude. Je lui répondis que je n’avais pas fait pour lui ce que j’aurais voulu, mais ce que j’avais pu ; que le devoir des hommes était de s’entr’aider ; que je me bornais à lui recommander de rendre le même service à ceux qui auraient besoin de lui, comme il avait eu besoin de moi, et enfin que je le priais seulement d’être mon ami et de me tenir pour le sien.

Luigi se mit alors à fréquenter la cour de Rome, où bientôt il trouva moyen de faire son chemin. L’évêque de Gurck, qui était âgé de quatre-vingts ans, le prit à son service. Ce vieillard avait pour neveu un gentilhomme vénitien nommé messer Giovanni, qui, sous prétexte d’être passionné pour les talents de Luigi Pulci, contracta avec lui une si étroite intimité, qu’il semblait en avoir fait son second lui-même. Luigi lui ayant parlé de moi et des grandes obligations qu’il m’avait, messer Giovanni voulut me connaître. Or, il advint qu’un soir je donnais à Panta-

    Michel-Ange, de Perino del Vaga et de plusieurs autres maîtres illustres ; mais, en même temps, il le présente comme l’un des chefs d’une bande dont la principale occupation, dit-il, était de quolibeter les artistes distingués, en jouant au palet le long des murs ou en buvant dans les tavernes : aussi n’est-il pas étonnant, ajoute Vasari, que Piloto ait été assassiné par un jeune homme, à cause de sa mauvaise langue. — Voy. Vasari, Vie d’Aristotile da San-Gallo, t. V, p. 62.