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les autres, et remplit la société d’étonnement, au point que Jules et Michelagnolo, au lieu de continuer leurs plaisanteries, ne tinrent plus que des discours qui témoignaient de leur sérieuse et profonde admiration. Après le concert, un certain Aurelio d’Ascoli, qui improvisait merveilleusement, se mit à faire l’éloge des femmes en termes divins.

Pendant ce temps, les deux donzelles entre lesquelles était ma beauté ne cessaient de babiller. L’une lui racontait comment elle avait tourné à mal, l’autre lui demandait des détails sur sa première faute, quelles étaient ses amies, depuis combien de temps elle était à Rome, et mille sornettes semblables. Si je devais m’arrêter sur des bagatelles de ce genre, je relaterais les étranges épisodes auxquels donna lieu cette Pantasilea, qui avait conçu pour moi une si ardente passion ; mais comme ces choses m’entraîneraient loin de mon but, je les passe sous silence. Mon compagnon, que nous avions nommé Pomone, finit par s’ennuyer des insipides bavardages de ses sottes voisines. Pour s’en débarrasser, il se tournait tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; enfin la femme que Jules avait amenée lui demanda si elle se sentait indisposée. — « Oui, répondit-il, je crois être grosse de plusieurs mois, et je souffre à de certains endroits. » — Aussitôt les deux corneilles, dans leur compassion pour Pomone, lui palpent le corps et découvrent que c’est un garçon. Alors, elles retirèrent précipitamment leurs mains, et n’épargnèrent à Diego aucune de ces injures que l’on adresse souvent aux jeunes gens d’une rare beauté.

On se leva ensuite de table au milieu des cris et des rires.

Le brave Michelagnolo demanda la permission de m’infliger une pénitence à sa façon ; à peine l’eut-il obtenue, qu’il m’éleva dans ses bras, en criant à tue-tête : — « Viva