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LIVRE PREMIER

je ne négligeai rien pour obtenir une habileté égale dans toutes ces branches de l’art, et je montrerai en temps et lieu que j’ai réussi à atteindre mon but.

À cette époque, j’avais vingt-trois ans environ lorsque éclata à Rome une peste si terrible, qu’elle emportait chaque jour des milliers d’hommes. Un peu effrayé de ces ravages, je me donnai quelques divertissements, autant par goût que par divers motifs que je vais expliquer. J’avais l’habitude d’aller, les jours de fête, visiter les monuments antiques, soit pour les dessiner, soit pour les modeler en cire. Comme une multitude de pigeons avaient construit leurs nids dans ces édifices, qui sont tous en ruine, il me prit fantaisie de les tirer avec mon escopette. Pour fuir le commerce des hommes et le fléau qui m’avait épouvanté, je mettais donc mon arme sur l’épaule de mon Paulino, et je m’enfonçais avec lui au milieu des ruines, d’où je revenais souvent avec une cargaison de pigeons énormes. Je ne tirais qu’à balle, de sorte que je devais uniquement à mon adresse les bonnes chasses que je faisais. J’avais fabriqué moi-même mon escopette dont le canon, à l’intérieur et à l’extérieur, était aussi poli que le miroir le plus net. Je composais aussi de la poudre extrêmement fine, avec laquelle je découvris les plus admirables secrets qui aient été trouvés jusqu’à ce jour. Pour ne pas être trop prolixe, je me contenterai d’en fournir cette seule preuve, qui étonnera tous les gens experts en la matière : avec une quantité de poudre égale au cinquième du poids de ma balle, je frappais un but à la distance de deux cents pas. Le charme que la chasse avait pour moi semblait devoir me détourner de mon art et de mes études. D’un côté, cela était vrai ; mais, d’un autre côté, je gagnais à cet exercice plus que je ne perdais. En effet, chaque fois que j’allais à la chasse, l’air me fortifiait sensiblement. Dès que je me livrais à cette distraction, la mélancolie, qui m’était natu-