ainsi que le permet une nombreuse réunion d’hommes, le jour d’une si belle fête. Vint à passer un soldat, jeune bravache éventé, de la troupe du signor Rienzo de Ceri. Au bruit que nous faisions, il se mit à nous railler et à proférer maintes injures contre la nation florentine. Moi, qui avais invité tous ces gens de bien et de talent, je me considérai comme l’offensé ; sans souffler mot et sans qu’aucun de mes convives me vît, je rejoignis donc mon matamore. Il était avec une mauvaise coureuse, et continuait encore ses moqueries pour la divertir. Je lui demandai s’il était cet insolent qui disait du mal des Florentins. — « Oui, me répondit-il aussitôt, je suis celui-là. » — « Hé bien ! moi, je suis celui-ci ! » ripostai-je en lui appliquant ma main sur le visage. Nous dégainâmes à l’instant ; mais nous n’eûmes pas plutôt commencé le combat, que nous fûmes séparés par plusieurs personnes qui, ayant vu et reconnu que j’avais raison, prirent mon parti.
Le lendemain, mon adversaire m’envoya un cartel que j’acceptai très-gaiement, en disant que cette affaire me semblait bien plus prompte à expédier qu’un ouvrage d’orfèvrerie. J’allai de suite trouver un vieux brave, nommé Bevilacqua, qui passait pour avoir été la première lame d’Italie. Plus de vingt fois il était entré en champ clos, et toujours il en était sorti à son honneur. Ce digne homme était fort de mes amis. L’art que j’exerçais nous avait mis en relation, et déjà il m’avait prêté son assistance dans plusieurs démêlés des plus terribles : aussi me dit-il joyeusement : — « Benvenuto mio, si tu avais une affaire avec Mars, je suis certain que tu t’en tirerais avec honneur ; car, depuis tant d’années que je te connais, jamais je ne t’ai vu chercher une mauvaise noise. » — Il épousa donc ma querelle, et nous mena, les armes à la main, sur le terrain ; mon adversaire ayant cédé, je sortis honorablement de cette affaire, sans avoir répandu une goutte de sang. Je