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dèle. Je me mis donc à la besogne. Douze jours me suffirent pour mener à fin ce petit joyau, qui, comme je l’ai dit, était en forme de lis. Je l’ornai de petits masques, de figures d’animaux et d’enfants, et, de plus, je l’émaillai précieusement, de sorte que les diamants qui le composaient en étaient améliorés de plus de la moitié.

Lucagnolo, ce vaillant homme dont j’ai parlé plus haut, se montra fort mécontent lorsqu’il me vit occupé de ce lis. Maintes fois il me répéta que j’aurais plus d’honneur et de profit à l’aider à faire de grands vases d’argent, comme j’avais commencé. Je lui répondis que les commandes de grands vases d’argent ne me manqueraient jamais, tandis que je ne trouverais pas tous les jours des ouvrages semblables à celui que j’avais entre les mains : j’ajoutai qu’il me vaudrait non moins d’honneur que de grands vases d’argent, et qu’en outre il serait beaucoup plus lucratif. À ces mots, Lucagnolo se moqua de moi, et me dit : — « Tu verras ce qu’il en est, Benvenuto. Nous nous sommes mis à l’œuvre en même temps, j’arriverai à fin aussitôt que toi ; tu connaîtras alors, par expérience, le bénéfice que me procurera mon vase, et le gain que tu retireras de ton joyau. » — Je lui dis que j’acceptais avec plaisir la lutte avec un homme de si grand talent, et que l’on verrait qui de nous se trompait. Là-dessus, nous baissâmes tous deux la tête avec un fier dédain, et nous déployâmes tant d’ardeur au travail, qu’au bout de dix jours environ chacun de nous avait terminé sa tâche.

L’ouvrage de Lucagnolo était un énorme vase d’argent destiné à être placé près de la table du pape et à recevoir, pendant le repas, les petits os et les épluchures de fruits. C’était un meuble de luxe plutôt que d’utilité. Il était orné de deux belles anses, d’une foule de masques petits et grands, et de feuillages aussi élégants et aussi gracieux qu’on puisse l’imaginer. Je dis à Lucagnolo que jamais je