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MÉMOIRES DE BENVENUTO CELLINI

Parmi les différents orfèvres avec qui j’avais travaillé à Florence, je trouvai quelques hommes de bien comme mon premier maître Marcone, mais j’en rencontrai d’autres qui, malgré leur réputation d’honnêtes gens, me volèrent effrontément, et tant qu’ils purent : dès que je m’en aperçus, je me débarrassai d’eux en les tenant pour de misérables coquins. Toutefois un orfèvre nommé Giovanbattista Sogliani me céda gracieusement une partie de sa boutique qui était située au coin du Mercato-Nuovo, près de la banque des Landi. J’y fis quantité de beaux petits joyaux, et je gagnai beaucoup d’argent, de sorte qu’il me fut facile d’aider largement ma famille.

Mon succès éveilla l’envie de deux mauvais maîtres que j’avais eus. Ils se nommaient Salvadore et Michele Guasconti, avaient trois grandes boutiques d’orfèvrerie et faisaient de nombreuses affaires. Voyant qu’ils cherchaient à me nuire, je m’en plaignis à un brave homme, à qui je dis qu’il devrait bien leur suffire de m’avoir friponné à l’aide de leur masque trompeur d’honnêteté. Ces paroles étant parvenues à leurs oreilles, ils se vantèrent de m’en faire cruellement repentir ; comme je ne sais de quelle couleur est la peur, je m’inquiétai peu de leurs menaces. Un jour, il advint qu’un de ces drôles, contre la boutique duquel j’étais appuyé, m’appela et osa m’adresser d’insolents reproches. Je lui répondis que, si lui et les siens s’étaient bien conduits avec moi, j’aurais parlé d’eux comme l’on parle de gens respectables, et que, grâce à la manière dont ils avaient agi, ils ne devaient se plaindre que d’eux-mêmes et non de moi. Pendant que je parlais, un de leurs cousins, nommé Gherardo Guasconti, à leur instigation peut-être, saisit le moment où passait près de nous un âne chargé de briques, et il le poussa sur moi avec tant de

    fûmes accostés par un certain personnage ennuyeux de la famille des Benci, qui, avec un huissier de la Seigneurie et une autre espèce de sbire…